Ce qui avait commencé comme des principes d’une agriculture durable est devenu une façon de repenser l’organisation de l’espace et les modes de vie. La permaculture est d’abord une nouvelle approche pour concevoir des espaces agricoles durables, autosuffisants, respectueux de l’environnement. Elle s’inspire alors du fonctionnement de la nature et valorise les savoirs traditionnels.
La permaculture, tel qu’on la pratique aujourd’hui, est devenue partie-prenante une vision globale qui prend en compte d’autres domaines de la vie. Du recyclage au potager familial, en passant par la petite exploitation agricole, la permaculture est plus répandue qu’on ne le pense même si elle peut encore gagner largement du terrain.
Les débuts de la permaculture
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la permaculture n’est pas une idée récente. Dès 1760, Pons Augustin Alletz évoque dans son L’agronome, ou le dictionnaire portatif du cultivateur l’absurdité d’une agriculture générale, impropre aux caractéristiques de chaque région.
En faisant un bon dans le temps, le début avéré de la permaculture moderne remonte à 1978. Il part du constat que l’agriculture intensive n’est pas durable. L’augmentation du rendement agricole ne se concrétise qu’au prix de la dégradation des sols, de la pollution et de la destruction des écosystèmes. On le sait aujourd’hui plus que jamais et on continue pourtant de l’ignorer dans un grand nombre de cas.
Le biologiste Bill Mollison et l’essayiste David Holmgren préconisent le permanent agriculture, une nouvelle façon de repenser l’agriculture. Pour nos deux universitaires, les systèmes agricoles se doivent d’être aménagés et conçus en harmonie avec leur environnement local, en observant et copiant les écosystèmes naturels. Ils théorisent des démarches, des outils et des principes pour l’appliquer. L’objectif : se libérer des systèmes de production industrielle.
D’abord pensée comme une solution à la culture intensive, la permaculture a fini par s’étendre à d’autres domaines de la vie. Dès les années 90, David Holmgren encourage l’application des principes de la permaculture sur des domaines insoupçonnés, dont l’habitat, l’économie ou encore l’enseignement. Dans ses autres traits marquants, la permaculture, c’est aussi le privilège du développement du local et de la communauté sur le global et la circulation mondiale des biens et des produits érigée en règle.
Une approche aux multiples avantages
Avec des principes systémiques qui supposent une harmonie entre l’homme et l’environnement, la permaculture se veut vertueuse pour tous les constituants du système.
Pour l’environnement, il s’agit surtout de sa réhabilitation. La permaculture est respectueuse des sols. Elle les enrichit et les rend moins stériles. Son fonctionnement en circuit fermé limite les déchets et l’usage abusif de ressources. En plus, elle permet l’épanouissement d’une faune et d’une biodiversité mises à mal par les intrants chimiques de l’agriculture conventionnelle : insectes, vers, rongeurs, etc. En somme, tout ce qui agresse l’environnement tend à être gommé par les pratiques nouvelles.
Pour l’homme, la permaculture le libère de la dépendance à l’industrialisation. Elle lui assure aussi un mode de vie plus sain, avec peu d’impact sur la planète.
Permaculture, l’agriculture miracle ?
La nature de la permaculture elle-même incite à la prudence. Comme elle repose sur l’observation et l’expérimentation, elle n’a pas de bases scientifiques auxquelles se fier aveuglément. Elle est même uniquement balisée par ses principes. Ajoutons à cela, la pollution de l’information par les réseaux et le règne des « experts » en tout et en rien. Sur le terreau de la permaculture, les gourous, influenceurs et autres prédicateurs écologiques achèvent de décrédibiliser ses préceptes, à coup de grandes certitudes quand ce n’est pas à renfort de semis astrologiques et d’approches mystiques. Mollison et Holmgren, eux, ont déjà paré à ce genre de dérives, en préconisant la rationalité scientifique.
Cette conjoncture malheureuse ne peut qu’apporter des défis supplémentaires à la permaculture. Ceux qui suivent un peu les réseaux ont bien dû voir des jardiniers ou des maraîchers en herbe pousser des coups de gueule contre des vidéos ou des articles nimbés de certitude et dont ils ont fait les frais pour trop les écouter. Combiné à un manque de formations reconnues, en comparaison à l’agronomie conventionnelle, la permaculture est encore reléguée à une pseudoscience de bobos écologistes. Le fermier ou le jardinier qui en a l’expérience voit quelquefois lui passer devant des jeunes loups surfant sur la mode et tenant grandes conférences ; le monde est devenu une fabrique aux imposteurs disait l’excellent sociologue Roland Gori. Alors, sachons faire le tri
Des manifestations de la permaculture
Du potager de campagne au jardin de l’arrière-cour, la permaculture revêt, aujourd’hui, des formes et des applications plurielles. En effet, les exemples d’initiatives permacoles ne manquent pas, à l’exemple de la ferme du Bec Hellouin, en Normandie. Son savoir faire a donné le jour à de véritables programmes. Il existe, fort heureusement, des gens sérieux.
Dans son sens le plus fondamental, la permaculture, c’est l’établissement d’une surface cultivée vertueuse et durable. Autre exemple édifiant, le jardin-forêt des Fraternités Ouvrières, par exemple, entretient un espace où se bousculent légumes, arbres fruitiers et forêt, sans pesticides ni fertilisant.
Dans une acception plus étendue, on en arrive plutôt aux écovillages où l’entraide et le travail participatif permettent de vivre en communauté, indépendamment d’énergie polluante et d’une économie non viable. Selon la coopérative Oasis, la France compterait un millier d’éco-installations de ce type. Alléluia ! Ils montrent tous à leur manière des directions intéressantes. Nous n’avons jamais eu autant besoin de nouvelles expériences et de volontés pour les conduire.